Connaissez-vous la comtesse Anna de Noailles ? Son oeuvre avant tout poétique ( mais aussi romanesque ) paraît assez oubliée de nos jours alors qu'elle jouissait d'une grande réputation de son vivant.
Pour ma part, je connais un peu cette auteure car elle avait ses habitudes de villégiature dans ma région et a donc laissé son nom à différents lieux. Son père y possédait la villa Bassaraba, à Amphion, petite ville près d'Evian. L'habitude en cette Belle Epoque était pour les gens fortunés d'avoir une villa près d'une ville d'eau pour ne pas avoir à se mêler aux foules profanes des hôtels ( de luxe quand même ^^ ) J'en avais parlé dans un post en Septembre dernier.
cf.
https://lepickwickclub.1fr1.net/t541-hotels-belle-epoque#14559Pour le coup, mon lycée s'appelle Anna de Noailles en son honneur. Et même si je n'avais rien lu d'elle et que je ne savais rien de sa vie, je me suis dit que pour pouvoir donner son nom à un lycée, elle devait avoir une quelconque importance littéraire.
Bref, j'ai lu pendant les vacances sa biographie de François Broche, "Un mystère en pleine lumière" parue en 1990 chez Laffont et son histoire est intéressante à plus d'un titre.
En effet, elle est née princesse Brancovan, originaire de Roumanie où son grand-père a été un des derniers hospodars de la région de Bessarabie. C'est-à-dire qu'il était une sorte de gouverneur nommé par les empereurs ottomans. A l'indépendance de la Roumanie dans les années 1850, sa famille partit en exil à Paris où naîtra Anna en 1876 et où elle mourra aussi en 1933 à l'âge de 57 ans.
Si ses parents étaient très coutumiers du fait d'invités nombres d'artistes et d'écrivains en leur maisons, ce qui sera un terreau fertile pour Anna, elle continuera sur cette lancée, malgré la mort brutale de son père en 1896, grâce à la grande entraide entre son frère et sa sœur, sans oublier sa mère.
Elle se maria en 1897, à l'âge de 19 ans avec le quatrième fils du septième duc de Noailles, le comte Mathieu de Noailles (1873-1942).
A partir de là, elle publia régulièrement des recueils de poèmes, publiés dans des journaux où elle écrivait des articles.Elle écrivit aussi quelques romans.
Elle fut également en partie avec d'autres femmes-écrivains à l'origine du prix littéraire "Vie Heureuse" en 1904 rebaptisé prix Femina dans les année 1920.
Le but était de constituer un pendant au prix Goncourt dont le jury n'était composé que d'hommes et qui ne consacrait de facto que des hommes.
Le prix, constitué d'un jury exclusivement féminins décerne son prix chaque premier mercredi de Novembre à l'hôtel de Crillon.
Elle fut très en vogue à son époque par son style très émotionnel, proche de la nature, et de plus en plus du thème de la mort après de grands nombres de décès de ses amis proches. Elle ne put rentrer à l'Académie française qui n'admettait pas les femmes, mais fut une des premières membres (étrangères) de la toute jeune académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 1920.
Personnage mondain, sensible, mais également excentrique et parfois colérique, elle ne laissa personne indifférent et a nourri de grande amitiés avec de grands auteurs de son temps comme Maurice Barrès (1862-1923) et fut une des confidentes de Marcel Proust (1871-1922). Elle avait également bien connu Edmond Rostand, Paul Valéry, Jean Cocteau, Colette et Alphonse Daudet pour ne citer que les plus célèbres.
Elle n'eut qu'un fils de son mariage nommé Anne-Jules (1900-1979) qui n'eut de cesse de faire connaître l'œuvre de sa mère injustement oubliée.
Elle est enterrée au Père Lachaise à Paris, mais son cœur est inhumé au cimetière de Publier, près d'Amphion où elle est si souvent venue se reposer sur les bords du lac Léman. Un monument commémoratif a été édifié dans les jardin de l'ancienne villa de ses parents à Amphion. Il est ouvert au public est a pris le nom de jardin votif Anna de Noailles. La villa quand à elle est une propriété privée et ne se visite pas.
Le monument porte ces quelques vers tirés de son recueil "Les Forces Eternelles" publié en 1920.
"Etranger qui viendra,
Lorsque je serai morte,
Contempler mon lac genevois,
Laisse, que ma ferveur
Dès à présent t'exhorte,
A bien aimer ce que je vois"
Cf. blog d'une passionnée de la poétesse avec un grand nombre de photos.
http://comtessedenoailles.blogspot.fr/